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où elle devait être reine et maîtresse ; et pour elle, en particulier, on peut juger quelle épreuve ce devait être. Je remerciai poliment le comte, et j’emmenai ma sœur. Oui, je le remerciai, car je comprenais déjà, non sans un inexprimable sentiment de faiblesse humiliée, que je devais à ses calculs ou à son caprice la certitude de pouvoir rester encore à Blackwater-Park ; et, d’après la conduite de sir Percival vis-à-vis de moi, je ne pouvais douter que, sans l’influence et l’appui du comte, je ne dusse immédiatement quitter ce séjour. Ainsi son influence, — celle qu’entre toutes j’avais redoutée le plus, — était maintenant l’unique lien qui me retînt auprès de ma sœur, dans le moment où elle avait le plus besoin de mon assistance !…

Nous entendîmes le sable de l’avenue craquer sous les roues du dog-cart, au moment où nous arrivions sous le vestibule. Sir Percival venait de se mettre en route.

— Où va-t-il maintenant, Marian ? me dit ma sœur à voix basse. Il ne fait plus un pas sans me donner à craindre pour l’avenir. Auriez-vous quelques soupçons ?…

Après toutes les épreuves qu’elle avait déjà subies pendant cette triste matinée, je ne me souciais pas de lui faire partager mes angoisses.

— Comment voulez-vous que je pénètre ses secrets ? lui répondis-je, me servant à dessein d’un tour évasif.

— Peut-être la femme de charge les connaît-elle ? reprit Laura, insistant.

— Certainement non, répliquai-je ; elle n’en doit pas savoir plus long que nous…

Laura secoua la tête, comme si ce dernier point lui semblait douteux.

— Ne vous a-t-elle pas dit, cette femme, que l’arrivée d’Anne Catherick dans ces environs était un bruit assez généralement répandu ?… Et ne pensez-vous pas qu’il peut être parti pour tâcher de retrouver ses traces ?

— J’aime mieux, je vous l’avoue, Laura, me tranquilliser un peu sur tout ceci, en y songeant le moins possible ; que dis-je ? en n’y songeant pas du tout. Après ce