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parallèle au disque et portant une charge égale et opposée à celle qui tourne. On pensait que le mouvement du disque pouvait produire, par entraînement de cette charge opposée, un courant de conduction dans l’écran qui compensait l’effet du courant de convection. Alfred Potier, à l’instigation de qui le Traité de Maxwell fut traduit en français, penchait vers cette manière de voir et eut à ce sujet avec Poincaré une correspondance qu’a publiée la revue l’Éclairage électrique. J’ai admiré, en la relisant récemment, avec quelle sûreté de vision théorique Poincaré maintient inébranlablement qu’aucune compensation de ce genre n’est possible. L’expérience devait peu après lui donner raison lorsque Crémieu et Pender eurent dégagé les causes expérimentales du désaccord et retrouvé, avec plus de précision, les résultats primitifs de Rowland. Cette discussion fut pour Poincaré l’occasion de retourner sous toutes ses faces la question du courant de convection, de confronter les diverses théories électrodynamiques d’Ampère, d’Helmholtz, de Maxwell, de pousser, avec la parfaite clarté qui lui était propre, chacune de ces théories jusqu’à ses conséquences expérimentales les plus lointaines et les plus concrètes, et de traduire le résultat de ces réflexions par une série de projets précis d’expériences cruciales.

C’est là un des caractères les plus remarquables de ce grand esprit : son extraordinaire puissance de construction abstraite est équilibrée par un souci constant de la réalité ; il est réaliste en mathématiques comme il l’est en physique. L’arbre de sa pensée, ramifié à l’infini, est solidement attaché au sol par des racines profondes. Rien ne donne mieux une idée de cette puissante et robuste organisation que la lecture des articles nombreux qu’il a consacrés à la discussion des théories électro-magnétiques, depuis celles que je viens de rappeler jusqu’aux plus récentes de Hertz, Larmor et Lorentz. Il atteint sans peine aucune, à travers le réseau complexe et touffu des formules, la signification physique, l’affirmation concrète, l’expérience possible. Comme dans son œuvre de pure mathématique, il voit ici la conséquence lointaine avec une déconcertante rapidité, sans passer, au moins de manière consciente, par les intermédiaires sur lesquels d’autres ont besoin de prendre appui en chemin.

Dans un article d’ensemble de la Revue générale des Sciences (1901), il montre que ni la théorie électrodynamique d’Ampère ni celle de Helmholtz ne permettent, dans le cas des courants ouverts,