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CAUSERIE MUSICALE.

L’ORGUE. — Suite


LE JEU DE L’ORGUE

Pour concevoir une idée du véritable style d’orgue ouvrez une partition à un ou deux chœurs d’un Palestrina ou d’un Sébastien Bach, observez la marche indépendante de chacune des parties dont elle se compose, leurs répliques, leurs imitations réciproques, leurs rentrées habilement ménagées ; comme elles vont tantôt de pair, s’éloignent, se rapprochent ou prolongent à tour de rôle des tenues diverses.[1]

Ce tissu ingénieux et intrigué, dont la Fugue offre le type le plus complet comme le plus pur, forme la base du jeu lié ou style d’orgue. En d’autres termes, les grandes partitions vocales à compter du XVIe siècle se retrouvent, resserrées sur un moindre nombre de portées, dans l’œuvre de l’école de Bach, et chantent encore aujourd’hui sous les doigts de l’organiste vraiment digne de ce nom.

La musique d’ensemble, telle que la Symphonie, le Quatuor etc., offre elle-même la marche indépendante de plusieurs parties obligées dont l’intérêt polyphonique est accru, si l’on veut, par la variété des timbres, la symétrie des périodes et les ressources instrumentales.

En adaptant à ses ressources particulières certains fragments symphoniques ou de musique de chambre, l’orgue n’a donc pas cessé de perpétuer les traditions de la grande école vocale, puisqu’il reproduit au moyen d’effets, et de procédés à lui propres les différentes parties concertantes confiées dans les chœurs ou orchestre à autant de chanteurs ou d’instrumentistes.

Nous sommes évidemment loin ici des parties de remplissage, des accords plaqués ou arpégés, de cette basse uniforme et monotone toujours subordonnée à un chant principal, aux ritournelles, aux traits brillants et de bravoure, particuliers à l’opéra italien, genre facile et superficiel, qu’on

  1. Les Harmonistes distinguent trois mouvements des parties vocales : le direct, le contraire et l’oblique.