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— LE LIVRE DES FEMMES. —

celle de sa sœur, et sa douleur à lui, déchirante, profonde, pleine de pensées, mais ensevelie dans un morne silence. Sa voix s’élèvera pour rendre le courage à sa mère ; lui ne cherchera pas de consolation hors de son propre cœur, si amèrement convaincu du néant des choses humaines. — Et cependant Berthe devait aller au bal ; quel motif raisonnable donner au caprice qui la ferait changer d’avis ? Dire la vérité, avouer qu’elle se sentait accablée d’un malheur supporté par des êtres dont le nom et le visage lui étaient seulement connus. Cet intérêt subit exciterait les railleries. Déjà Berthe croyait voir sur les lèvres de madame de Golzan un de ces sourires qu’elle redoutait à l’excès.

Madame d’Esnelle observa son hésitation et devina en partie ses motifs : « Oubliez mes chagrins, lui dit-elle ; je vous ai attristée : personne plus que moi ne voudrait cependant contribuer à votre bonheur.