Page:Collectif - Heures du soir 03.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
— LA PREMIÈRE RIDE. —

dédain et de hauteurs mon obscure rivale : elle était jeune, jolie ; on la préférait à moi, était-ce à moi de la mépriser ? Non, non, je n’essaierai point de peindre cette douleur de femme, qui se compose d’amour et de vanité blessée ; je ne dirai pas les cent mille projets de vengeance qui soulagent et déchirent le cœur. Tantôt je voulais revoir Arthur, l’accabler de mon mépris et puis fuir dans la solitude ; tantôt je voulais me lancer de nouveau dans le monde, lui prouver que je pouvais plaire à d’autres et le dédaigner à mon tour. Mais ce qui me consolait le plus, c’était qu’il me sût bien malheureuse, qu’il eût des regrets et des remords. On s’abuse si long-temps sur ce qu’on aime ; on se le représente si long-temps nous regrettant toujours et punissant même celle qui l’a rendu infidèle, qu’on espère se venger par la douleur qu’on lui cause. Mais, à l’aide de la raison, une triste connaissance du cœur