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— LA PREMIÈRE RIDE. —

n’était pas encore aussi bien établi que le mien ; seulement il se contentait d’affecter un air d’incrédulité dédaigneuse quand il nous entendait parler de notre amour avec une exaltation qu’il ne pouvait comprendre. Aussi, sans nous en rendre compte, Arthur et moi nous devînmes moins tendres l’un pour l’autre quand il était présent.

Plusieurs fois dès-lors, il arriva à M. de Seignelay de sourire avec assez de naturel aux plaisanteries de Roger sur les sentimens romanesques ; quelquefois aussi il me sembla lui deviner le désir de me quitter pour aller retrouver son cousin ; car, malgré que je fusse d’une extrême politesse envers celui-ci, une certaine contrainte, un repoussement que nous sentions l’un pour l’autre nous rendait notre société peu agréable. Non, le charme de l’intimité ne peut se ressentir auprès d’un caractère acerbe et tranchant ; la supériorité ne suffit point ; la bonté, dans un cercle resserré.