Page:Collectif - Heures du soir 03.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
297
— LA PREMIÈRE RIDE. —

M. de Seignelay m’avait plusieurs fois avoué qu’il s’était, dès sa première jeunesse, senti entraîné par des maximes qui lui promettaient une vie de liberté et de plaisir, et que ma vue seule avait ôté toute leur puissance aux volontés de son grand-père ; qu’il n’osait cependant empoisonner ses derniers momens en lui désobéissant, mais qu’il ne croyait pas charger sa conscience d’un grand crime, en me jurant que le premier usage qu’il ferait de la liberté, que les lois de la nature devaient lui rendre bientôt, serait de se lier irrévocablement à la seule femme qui eût pu lui faire oublier les préventions qu’on lui avait données contre mon sexe.

Arthur soignait son grand-père, non-seulement parce que sa fortune dépendait de lui, mais aussi parce qu’il l’aimait et le respectait. Ainsi quand, entraînée par un amour qui n’écoute aucun intérêt, je lui aurais proposé d’abandonner ses espé-