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pourrions en même temps lui citer la lettre à Zéna et à Sérénus, qui est encore faussement attribuée à saint Juslin par plusieurs savants, et reconnue néanmoins véritablement de lui par Abraham Seultet, écrivain protestant, quoiqu’elle contienne quantité de préceptes qui concernent plutôt des moines cénobites que de simples chrétiens. Quant à Tertullien (1), que M. B* prétend lui être si favorable, c’est que ce Père répondant aux reproches que les païens faisaient aux fidèles de ce qu’ils s’éloignaient du commerce du monde, il avoue qu’ils ne se trouvaient ni aux spectacles publics, ni aux temples des faux dieux, ni à aucunes autres pareilles cérémonies ; qu’il soutient que, pourlout le reste, ils suivaient extérieurement le même train de vie que les autres Ejusdem habitus, ejusdemque ad vitam necessitatis, et qu’il ajoute qu’ils ne sont point comme ces philosophes des Indes qui habitent les bois et qui s’exilent volontairement Neque enim brachmanœ aut Indorum gymno-

les

sophistœ sumus silvicotœ, et exsules viiœ avait bien de la différence entre

Il

y

peules et les brachmanes et gymnosophiste des Indes, car les thérapeutes avaient des habits, Philon eu fait même la description, et ils ne vivaient pas en sauvages dans les bois comme les gymnosophistes des Indes, qui étaient toujoursnus, et qui ne couvraient de leur corps que ce que la pudeur les obligeait de cacher. Nous avons déjà dit que les persécutions ayant empêché les thérapeutes de tenir des assemblées nombreuses dans leurs semnées, ils s’étaient retirés en particulier dans leurs maisons dans les villes, ou à la campagne aux environs des villes, et qu’on leur dunna le nom d’ascètes. C’étaient ces ascètes, successeurs des thérapeutes qui étaient du temps de saint Justin et deTertullien, et ce dernier faisant l’apologie de tous, les chrétiens en général, avait raison de dire aux païens qui les regardaient comme gens inutiles Infructuosi in negotüs dicimur (1), qu’ils trafiquaient, qu’ils portaient les armes,

qu’ils naviguaient, qu’ils cullivaient ia terre, qu’ils se trouvaient aux foires et aux marchés avec eux, qu’ils se mêlaient parmi le reste des autres hommes en exerçant les arts avec eux, qu’ils étaient habillés co nme eux et n’affectaient rien de singulier. Il ne s’agissait donc que des chrétiens en général, et il y aurait eu de l’imprudence à Tartullien de faire connaître les ascètes qui étaient cachés dans leurs retraites et dans leurs solitudes, et qui ne se mêlaient point d’affaires temporelles car pour lors les païens auraient pu dire que c’étaient ceux-la qui étaient des gens inutiles Infructuosi in negotiis puisque c’est le langage des hérétiques de ce temps

qui regardent comme personnes

inutiles ceux qui se consacrent à la retraite, en renonçant volontairementà leurs biens et à leurs

(t) Tertull., Apolog., cap. 42.

parents..

(2) Magdeburg., cent. 1, lib. II, c.

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Bellarmin,

Il ne parait pas que M.

B* doive tirer un

si grand avantage de ces passages de saint

Justin et de Tertullien qu’il a allégués. Mais

en voici encore un de saint Jean Chrysostome

qui lui parait le plus convainquant pour prouver qu’il n’y avait aucun moine dans le premier siècle de l’Eglise. C*est de l’homélie 25 de ce Père sur l’épitre de saint Paul aux Hébreux, où il assure positivement qu’au temps où cet apôtre l’écrivait il n’y avait aucun vestige de moines (2). Il y adéjà longtemps que les ceuturialeurs de Magdebourg avaient fait cette objection et le cardinal Bellarmin leur avait répondu que sainte Jean Chrysostome parlait seulement de l’Eëlise de Corinthe, puisque c’est au sujet de ces paroles de saint Paul aux Corinthiens, Si quis frater nominntur in vobis, que ce saint Père avait dit cela. Le P. de Montfaucon avait aussi répondu à M. B* que cela ne regardait que la Syrie où saint Jean Chrysostome prêchait, ou la Judée où saint Paul adressait sa lettre. Mais M. B* dans sa réplique au P. de Mon ! faucon, prétend que saint Jean Chrysostome s’est servi des termes les plus généraux qu’il a pu employer, et qu’il no s’est pas restreint au temps où saint Paul écrivait, et auquel saint Marc formait l’établissement des monastères. Mais que AT. B* fasse réflexion sur les autres homélies de ce même Père de l’Eglise, citées par le cardinal Bellarmin, entre autres l’homélie 17 à son peuple, et il y verra que ce saint, qui appelait les moines des philosophes, dit que Jésus-Christ en a été l’instituteur, Tanti est philosophia d Christo introducta ; et dans le traité qu’il fit contre ceux qui blâmaient la profession de la vie monastique, il dit que les Apôtres avaient pratiqué ce que les moines pratiquaient. Or, si saint JeanChrysostume croyait que la vie monastique avait été instituée par Jésus-Christ et que les Apôtres en avaient fait profession, comment aurait-il putlire qu’il n’y avait aucun vestige de moines au temps de saint Paul et de saint Marc ? N’a-t.on pas lieu de croire qu’il n’entendait parler que de l’Eglise de Corinthe, comme dit Iecardinal Bellarmin, ou de la Syrie, ou de la Judée, comme prétend le Père de Montfaucon ?

M. de Tillemont (3) avoue qu’il y a foujourscu dans l’Eglise des ascètes qui faisaient profession d’une austérité et d’une retraite particulière, les uns dans les villes et la plupart dans les villages, ou dans des lieux qui n’en étaient pas éloigné, et il reconnaît même qu’entre ces ascètes il y en avait qui demeuraient cinq, ou six, ou dix au plus dans un même lieu, qui se soutenaient, dit ? il, les uns les autres, mais sans aucune subordination et sans autre discipline que les règles générales de la crainte de Dieu, et qui ne se maintenaient ainsi qu’avec beaucoup de peine dans la piété.

Ou croirait peut-être qu’il n’a voulu parler de ces sortes de communautés qu’après

D. 177.

(5) De Tillem., Mém. pour l’Ilisl. ecclés., t. VII,