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enfants, « merveille ». Cinq années provinciales s’écoulent encore, et je ne pense guère à Paris.

Mais à seize ans, revenant en Puisaye après une quinzaine de théâtres, de musées, de magasins, je rapporte, parmi des souvenirs de coquetterie, de gourmandise, mêlé à des regrets, à des espoirs, à des mépris aussi fougueux, aussi candides et dégingandés que moi-même, l’étonnement, l’aversion mélancolique de ce que je nommais les maisons sans bêtes. Ces cubes sans jardins, ces logis sans fleurs où nul chat ne miaule derrière la porte de la salle à manger, où l’on n’écrase pas, devant la cheminée, un coin du chien traînant comme un tapis, ces appartements privés d’esprits familiers, où la main, en quête de cordiale caresse, se heurte au marbre, au bois, au velours inanimés, je les quittai avec des sens affamés, le besoin véhément de toucher, vivantes, des toisons ou des feuilles, des plumes tièdes, l’émouvante humidité des fleurs…