Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/82

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Madame Bruneau, interrompt la voix émouvante, vous savez que je maintiens ma proposition ?

J’entends dans l’ombre le sursaut de Mme Bruneau, et son piétinement sur le gravier :

— Le vilain homme ! Le vilain homme ! Capitaine, vous me ferez fuir !

— Quarante sous et un paquet de tabac, dit la belle voix imperturbable, parce que c’est vous. Quarante sous et un paquet de tabac pour vous faire connaître l’amour, vous trouvez que c’est trop cher ? Madame Bruneau, pas de lésinerie. Quand j’aurai augmenté mes prix, vous regretterez mes conditions actuelles : quarante sous et un paquet de tabac…

J’entends les cris pudiques de Mme Bruneau, sa fuite de petite femme boulotte et molle, aux tempes déjà grises, j’entends le blâme indulgent de ma mère, qui nomme toujours mon père par notre nom de famille :

— Oh ! Colette… C