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paré, jamais déclos ! Et ce Voyage d’Anarcharsis inviolé ! Si l’Histoire du Consulat et de l’Empire échoua un jour sur les quais, je gage qu’une pancarte mentionne fièrement son « état de neuf »…

Les dix-huit volumes de Saint-Simon se relayaient au chevet de ma mère, la nuit ; elle y trouvait des plaisirs renaissants, et s’étonnait qu’à huit ans je ne les partageasse pas tous.

— Pourquoi ne lis-tu pas Saint-Simon ? me demandait-elle. C’est curieux de voir le temps qu’il faut à des enfants pour adopter des livres intéressants !

Beaux livres que je lisais, beaux livres que je ne lisais pas, chaud revêtement des murs du logis natal, tapisserie dont mes yeux initiés flattaient la bigarrure cachée… J’y connus, bien avant l’âge de l’amour, que l’amour est compliqué et tyrannique et même encombrant, puisque ma mère lui chicanait sa place.

— C’est beaucoup d’embarras, tant d’amour, dans ces livres, disait-elle. Mon pauvr