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À présent, tout est silence au jardin. Un chat, deux chats s’étirent, bâillent, tâtent le gravier sans confiance : ainsi font-ils après l’orage. Ils vont vers la maison, et la Petite, qui marchait à leur suite, s’arrête ; elle ne s’en sent pas digne. Elle attendra que se lève lentement, sur son visage chauffé, noir d’excitation, cette pâleur, cette aube intérieure qui fête le départ des bas démons. Elle ouvre, pour un dernier cri, une grande bouche aux incisives neuves. Elle écarquille les yeux, remonte la peau de son front, souffle « pouh ! » de fatigue et s’essuie le nez d’un revers de main.

Un tablier d’école l’ensache du col aux genoux, et elle est coiffée en enfant de pauvre, de deux nattes cordées derrière les oreilles. Que seront les mains, où la ronce et le chat marquèrent leurs griffes, les pieds, lacés dans du veau jaune écorché ? Il y a des jours où on dit que la Petite sera jolie. Aujourd’hui, elle est laide, et sent sur son visage, la laideur provisoire que lui composent sa sueur, des traces terreuses de doigts sur une