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coup !… »

MARDI. — Nous avons guetté cette nuit, les deux garçons et moi, laissant Bel-Gazou endormie. La lune en son plein blanchissait d’un bout à l’autre une longue piste de lumière où les rats avaient laissé quelques épis de maïs rongés. Nous nous tînmes dans l’obscurité derrière la porte à demi ouverte, et nous nous ennuyâmes pendant une bonne demi-heure en regardant le chemin de lune bouger, devenir oblique, lécher le bas des charpentes entre- croisées… Renaud me serra le bras : on marchait au bout du grenier. Un rat détala et grimpa le long d’une poutre, suivi de sa queue de serpent. Le pas, solennel, approchait, et je serrai de mes bras le cou des deux garçons.

Il approchait, lent, avec un son sourd, bien martelé, répercuté par les planchers anciens. Il entra, au bout d’un temps qui nous parut interminable, dans le chemin éclairé. Il était presque blanc, gigantesque : les plus grand nocturne que j’aie vu, un grand-duc plus haut qu’un chien de chasse. Il marchait emphatiquement, en soulevant ses pieds