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mes fenêtres. Aucun cri, sauf le « rrrr… » dur et harmonieux qui roule par moments dans la gorge des matous. La Noire, muette et lascive, provoque, puis châtie, et savoure sa toute-puissance éphémère. Dans huit jours le même mâle qui tremble devant elle, qui patiente et perd le boire et le manger, la tiendra solidement par la nuque… Jusque-là, il plie.

Un sixième rayé vient d’apparaître. Mais aucun des matous n’a daigné le toiser en rival. Gras, velouté, candide, il a perdu dès son jeune âge tout souci des jeux de l’amour, et les nuits tragiques de janvier, les clairs de lune de juin ont cessé pour lui, à jamais, d’être fatidiques. Ce matin, il se sent las de manger, fatigué de dormir. Il promène, sous le petit soleil d’argent, sa robe lustrée, et la fatuité sans malice qui lui valut son nom de Beaugarçon. Il sourit au temps clair, aux passereaux confiants. Il sourit à la Noire, à sa frémissante escorte. Il taquine d’une patte molle un vieil oignon de tulipe qu’il délaisse pour un gravier rond. La