Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

trop et mangeait mal. Chaude de fièvre, elle avait le nez sec, se couchait sur une console de marbre, et son lait diminuait. Pourtant Kamaralzaman, dodu, roulait sur les tapis, aussi large que long. Un matin que je déjeunais auprès de Moune, et que je la tentais avec du lait sucré et de la mie de croissant, elle tressaillit, coucha les oreilles, sauta à terre et me demanda la porte d’une manière si urgente que je la suivis. Elle ne se trompait pas : l’impudente Noire et Kamaralzaman, l’un tétant l’autre, mêlés, heureux, gisaient sur la première marche, dans l’ombre, au bas de l’escalier où se précipita Moune — et où je la reçus dans mes bras, molle, privée de sentiment, évanouie comme une femme…

C’est ainsi que Moune, chatte de Perse, perdit son lait, résigna ses droits de mère et de nourrice, et contracta sa mélancolie errante, son indifférence aux intempéries et sa haine des chattes noires. Elle a maudit tout ce qui porte toison ténébreuse, mouche blanche au poitrail, et rien ne paraît plus