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d’humain. C’est en vous voyant debout sur le mur du jardin — un mur de quatre mètres, sur le faîte duquel vous vous posiez, d’un bond — occupée à maudire quelques chats épouvantés, que j’ai commencé à trembler. Et puis, une autre fois, vous vous êtes approchée de la petite chienne que je tenais sur mes genoux, vous avez mesuré, sous son oreille, la place exacte d’une fontaine mystérieuse que vous avez léchée, léchée, léchée, avant de la tâter des dents, lente et les yeux fermés… J’ai compris : « Oh ! Bâ-Tou !… » et vous avez tressailli tout entière, de honte de d’avidité refrénées.

Hélas ! Bâ-Tou, que la vie simple, que la fauve tendresse sont difficiles, sous notre climat… Le ciel romain vous abrite à présent ; un fossé, trop large pour votre élan, vous sépare de ceux qui vont, au jardin zoologique, narguer les félins ; et j’espère que vous m’avez oubliée, moi qui, vous sachant innocente de tout, sauf de votre race, souffris qu’on fît de vous une bête captive.