Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/224

Cette page n’a pas encore été corrigée

des doigts. Tous les matins, je pus lui donner ma tête, qu’elle étreignait des quatre pattes et dont elle râpait, d’une langue bien armée, les cheveux coupés. Un matin, elle étreignit trop fort mon bras nu, et je la châtiai. Offensée, elle sauta sur moi, et j’eus sur les épaules le poids déconcertant d’un fauve, ses dents, ses griffes… J’employai toutes mes forces et jetai Bâ-Tou contre un mur. Elle éclata en miaulements terribles, en rugissements, elle fit entendre son langage de bataille, et sauta de nouveau. J’usai de son collier pour la rejeter contre le mur, et la frappai au centre du visage. À ce moment, elle pouvait, certes, me blesser gravement. Elle n’en fit rien, se contint, me regarda en face et réfléchit… Je jure bien que ce n’est pas la crainte que je lus dans ses yeux. Elle choisit, à ce moment décisif, elle opta pour la paix, l’amitié, la loyale entente ; elle se coucha, et lécha son nez chaud…

Quand je vous regrette, Bâ-Tou, j’ajoute à mon regret la mortification d’avoir chassé de chez moi une amie, une amie qui n’avait Dieu merci, rien