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nourri de fagot sec. Le lait bouillait, sur le fourneau à braise pavé de faïence bleue. D’autre part fondait, dans un doigt d’eau, une tablette de chocolat, pour mon déjeuner. Carrée dans son fauteuil de paille, ma mère moulait le café embaumé, qu’elle torréfiait elle-même. Les heures du matin lui furent toujours clémentes ; elle portait sur ses joues leurs couleurs vermeilles. Fardée d’un bref regain de santé, face au soleil levant, elle se réjouissait, tandis que tintait à l’église la première messe, d’avoir déjà goûté, pendant que nous dormions, à tant de fruits défendus.

Les fruits défendus, c’étaient le seau trop lourd tiré du puits, le fagot débité à la serpette sur une bille de chêne, la bêche, la pioche, et surtout l’échelle double, accotée à la lucarne du bûcher. C’étaient la treille grimpante dont elle rattachait les sarments à la lucarne du grenier, les hampes fleuries du lilas trop haut, la chatte prise de vertige et qu’il fallait cueillir sur le faîte du toit… Tous les complices de sa vie de petite femme rondelette