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mal dans le dos. J’ai mal affreusement à la nuque. Je n’ai pas faim. La digitale m’enivre et me donne la nausée ! Je vais mourir, ce soir, demain, n’importe… » Mais je ne pense pas toujours au changement que m’a apporté l’âge. Et c’est en regardant ma main que je mesure ce changement. Je suis tout étonnée de ne pas trouver, sous mes yeux, ma petite main de vingt ans… Chut ! Tais-toi un peu que j’écoute, on chante… Ah ! c’est l’enterrement de la vieille madame Lœuvrier. Quelle chance, on l’enterre enfin ! Mais non, je ne suis pas féroce ! Je dis « quelle chance ! » parce qu’elle n’embêtera plus sa pauvre idiote de fille, qui a cinquante-cinq ans et qui n’a jamais osé se marier par peur de sa mère. Ah ! les parents ! Je dis « quelle chance ! » quelle chance qu’il y ait une vieille dame de moins dur la terre…

« Non, décidément, je ne m’habitue pas à la vieillesse, pas plus à la mienne qu’à celle des autres. Et comme j’ai soixante et onze ans, il vaut mieux que j’y renonce, je ne m’y habituerai jamais.