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’écria un jour Mme Saint-Alban. La seconde Bonnarjaud se marie !

Elle revenait des fermes éparpillées autour du petit château, rapportant son butin de nouvelles et des javelles d’avoine verte, des coquelicots et des nielles, les premières digitales des ravins pierreux. Une chenille filandière, couleur de jade, transparente, pendait à un fil soyeux, sous l’oreille de Mme Saint-Alban ; le duvet des peupliers collait une barbe d’argent à son menton cuivré, moite de sueur.

— Assieds-toi, Adrienne. Tu vas boire un verre de mon sirop de groseilles. Tu vois, j’attache mes capucines. La seconde des Bonnarjaud ? Celle qui a une jambe un peu faible ? Je flaire encore là-dessous une manigance pas bien belle… Mais la vie de ces trois filles est d’une tristesse et d’un vide qui frappent le cœur. L’ennui, c’est une telle dépravation ! Quelle morale tient contre l’ennui ?

— Oh ! toi, si tu te mets à parler morale, où nous emmèneras-tu ? D’ailleurs il ne s’agit pas