Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée

sa robe de taffetas noir, et son petit doigt s’ornait d’un cœur de cornaline rosée, où flambaient les mots ie brusle, ie brusle, — une bague ancienne trouvée en plein champ.

Je crois que j’aimais surtout, en Mme Saint-Alban, tout ce qui l’opposait à ma mère, et je respirais, avec une sensualité réfléchie, le mélange de leurs parfums. Mme Saint-Alban déplaçait une nue lourde d’odeur brune, l’encens de ses cheveux crépus et de ses bras dorés. Ma mère fleurait la cretonne lavée, le fer à repasser chauffé sur la braise de peuplier, la feuille de verveine citronnelle qu’elle roulait dans ses mains ou froissait dans sa poche. Au soir tombant, je croyais qu’elle exhalait la senteur des laitues arrosées, car la fraîche senteur se levait sur ses pas, au bruit perlé de la pluie d’arrosage, dans une gloire de poudre d’eau et de poussière arable.

J’aimais aussi entendre la chronique communale rapportée par Mme Saint-Alban. Ses récits suspendaient, à chaque nom familier, une sorte d’écusson