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après le coup de sonnette, d’aimables voix féminines, chantant selon l’accent de notre province. Pourtant, j’aimais les visites de Mme Saint-Alban, une femme encore belle, crépue de frisures naturelles qu’elle coiffait en bandeaux, tôt ébouriffés. Elle ressemblait à George Sand, et portait en tous ses mouvements une majesté romanichelle. Ses chaleureux yeux jaunes miraient le soleil et les plantes vertes, et j’avais goûté, nourrissonne, au lait de sa gorge abondante et bistrée, un jour que par jeu ma mère tendait son sein blanc à un petit Saint- Alban de mon âge.

Mme Saint-Alban quittait, pour venir voir ma mère, sa maison du coin de la rue, son étroit jardin où les clématites pâlissaient dans l’ombre des thuyas. Ou bien elle entrait en revenant de promenade, riche de chèvrefeuille sylvestre, de bruyères rouges, de menthe des marécages et de roseaux fleuris, velouteux, bruns et rudes comme des dos d’oursons. Sa broche ovale lui servait souvent à agrafer, l’un sur l’autre, les bords d’un accroc dans