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étrange aux amis de ma très chère mécréante ; ils ne pouvaient pas deviner que le livre à figure de paroissien enfermait, en texte serré, le théâtre de Corneille…

Mais le moment du sermon faisait de ma mère une diablesse. Les cuirs, les « velours », les naïvetés chrétiennes d’un vieux curé paysan, rien ne la désarmait. Les bâillements nerveux sortaient d’elle comme des flammes ; et elle me confiait à voix basse les mille maux soudains qui l’assaillaient :

— J’ai des vertiges d’estomac… Ça y est, je sens venir une crise de palpitations… Je suis rouge, n’est-ce pas ? Je crois que je vais me trouver mal… Il faudra que je défende à M. Millot de prêcher plus de dix minutes…

Elle lui communiqua son dernier ukase, et il l’envoya, cette fois, promener. Mais le dimanche d’après, elle inventa pendant le prône, les dix minutes écoulées, de toussoter, de laisser tomber son livre, de balancer sa montre ostensiblement au bout de sa