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fou rire pour frapper d’admiration un commis voyageur qui passait ; Yvonne attendait que le nouvel instituteur-adjoint parût à la fenêtre du cours supérieur ; je projetais de désaccorder mon piano pour que l’accordeur du chef- lieu, celui qui portait lorgnon d’or… Voussard, comme inanimé, lisait.

Un jour vint que le petit Ménétreau s’assit le premier sur le banc de gauche, mordant son reste de pain et gobant des cerises. Voussard arriva en retard, au coup de cloche de l’école. Il marchait vite et gauchement, comme quelqu’un qui se hâte dans l’obscurité. Un journal ouvert qu’il tenait à la main balayait la rue. Il posa une main sur l’épaule du petit Ménétreau, se pencha et lui dit d’une voix profonde et précipitée :

— Ybanez est mort. Ils l’ont assassiné.

Le petit Ménétreau ouvrit la bouche pleine de pain mâché et bégaya :

— C’est pas vrai ?

— Si. Les soldats du roi.