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et à nommer sans faute : Théo, Sybil Sanderson, Van Zandt… Elles appartenaient à une race inconnue, admirable, que la nature avait dotée invariablement d’yeux très grands, de cils très noirs, de cheveux frisés en éponge sur le front, et d’un lé de tulle sur une seule épaule, l’autre demeurant nue… À les entendre nommer négligemment par Maurice, je les réunis en un harem sur lequel il étendait une royauté indolente, et j’essayais, le soir, en me couchant, l’effet d’une voilette de maman sur mon épaule. Je fus, huit jours durant, revêche, jalouse, pâle, rougissante — en un mot amoureuse.

Et puis, comme j’étais en somme une fort raisonnable petite fille, cette période d’exaltation passa et je goûtai pleinement l’amitié, l’humeur gaie de Maurice, les causeries libres des deux amis. Une coquetterie plus intelligente régit tous mes gestes, et je fus, avec une apparence parfaite de simplicité, telle que je devais être pour plaire : une longue enfant aux longues tresses, la taille bien