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courtes et veloutées qui faisaient penser à une biche.

Elle eut quinze ans, seize ans — moi aussi. Sauf qu’elle riait beaucoup le dimanche, au bras de ses cousines et de ses frères, pour montrer ses dents, Nana Bouilloux se tenait assez bien.

— Pour une petite Bouilloux, ma foi, il n’y a rien à dire ! reconnaissait la voix publique.

Elle eut dix-sept ans, dix-huit ans, un teint comme un fruit abrité du vent, des yeux qui faisaient baisser les regards, une démarche apprise on ne sait où. Elle se mit à fréquenter les « parquets » aux foires et aux fêtes, à danser furieusement, à se promener très tard, dans le chemin de ronde, un bras d’homme autour de la taille. Toujours méchante, mais rieuse, et poussant à la hardiesse ceux qui se seraient contentés de l’aimer.

Un soir de Saint-Jean, elle dansait au parquet installé place du Grand-Jeu, sous la triste lumière et l’odeur des lampes à pétrole. Les souliers à clous levaient la poussière de la place, entre les planches