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Ma mère secouait la tête avec une malice grave.

— Ah ! non. Tu ne peux pas avoir le chignon sans le tablier, le tablier sans la lettre, la lettre sans les souliers à talons, ni les souliers sans… le reste ! C’est à choisir !

Ma convoitise se lassa vite. La radieuse petite Bouilloux ne fut plus qu’une passante quotidienne, que je regardais à peine. Tête nue l’hiver et l’été, elle changeait chaque semaine la couleur vive de ses blouses. Par grand froid, elle serrait sur ses minces épaules élégantes un petit fichu inutile. Droite, éclatante comme une rose épineuse, les cils abattus sur la joue ou dévoilant l’œil humide et sombre, elle méritait, chaque jour davantage, de régner sur des foules, d’être contemplée, parée, chargée de joyaux. La crêpelure domptée de ses cheveux châtains se révélait, quand même, en petites ondes qui accrochaient la lumière, en vapeur dorée sur la nuque et près des oreilles. Elle avait un air toujours vaguement offensé, des narines