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sous la grêle. Et ma mère se plaignait, non sans mauvaise foi : « Grands dieux ! Minet-Chéri, tu ne vas pas me traîner au Supplice d’une femme ? C’est si ennuyeux ! La femme au supplice, ce sera moi… » Cependant elle préparait les cisailles et les madeleines pour gaufrer elle-même son plus joli « devant » de lingerie fine…

Lampes fumeuses à réflecteurs de fer-blanc, banquettes plus dures que les bancs de l’école, décor de toile peinte écaillée, acteurs aussi mornes que des animaux captifs, de quelle tristesse vous ennoblissiez mon plaisir d’un soir… Car les drames m’imprégnaient d’une horreur froide, et je n’ai jamais pu m’égayer, toute petite, à des vaudevilles en loques, ni faire écho à des rires de comique souffreteux.

Quel hasard amena un jour chez nous, pourvue de décors, de costumes, une vraie troupe de comédiens nomades, tous gens vêtus proprement, point trop maigres, gouvernés par une sorte d’écuyer botté, à plastron de piqué blanc ? Nous