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vive, active, employa son activité d’une manière un peu incohérente. Elle sucra un jour la tarte aux fraises avec du sel, et au lieu de s’en désoler, elle accueillit les reproches de mon père avec un visage fermé et ironique qui me bouleversa.

Un soir d’été, comme nous finissions de dîner tous les trois, une voisine entra tête nue, nous souhaita le bonsoir d’un air apprêté, glissa dans l’oreille de ma mère deux mots mystérieux, et repartit aussitôt. Ma mère soupira : « Ah ! mon Dieu… » et resta debout, les mains appuyées sur la table.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda mon père.

Elle cessa avec effort de contempler fixement la flamme de la lampe et répondit :

— C’est commencé… là-bas…

Je compris vaguement et je gagnai, plus tôt que d’habitude, ma chambre, l’une des trois chambres qui donnaient sur le jardin d’En-Face. Ayant éteint ma lampe, j’ouvris ma fenêtre pour