Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/136

Cette page n’a pas encore été corrigée

m’écriai : « Ah ! tu vois, le châle de Juliette ? » et ne reçus pas de réponse. Un bruit saccadé et bizarre, comme un rire qu’on étouffe, décrut avec les pas de ma mère dans le corridor, quand elle eut fermé toutes les persiennes.

Des mois passèrent, et rien ne changea. La fille ingrate demeurait sous son toit, passait raide devant notre seuil, mais il lui arriva, apercevant ma mère à l’improviste, de fuir comme une fillette qui craint la gifle. Je la rencontrais sans émoi, étonnée devant cette étrangère qui portait des chapeaux inconnus et des robes nouvelles.

Le bruit courut, un jour, qu’elle allait mettre un enfant au monde. Mais je ne pensais plus guère à elle, et je ne fis pas attention que, dans ce moment-là, justement, ma mère souffrit de demi-syncopes nerveuses, de vertiges d’estomac, de palpitations. Je me souviens seulement que l’aspect de ma sœur déformée, alourdie, me remplit de confusion et de scandale…

Des semaines encore passèrent… Ma mère, toujours