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plus bas la nuque humiliée. Les portraits jaunis de Juliette en font foi : il n’y eut jamais de jeune fille plus mal coiffée.

— La petite malheureuse ! disait Mme Pomié en joignant les mains.

— Tu ne peux donc pas mettre ton chapeau droit ? demandait à Juliette Mme Donnot, en sortant de la messe. C’est vrai qu’avec tes cheveux… Ah ! on peut dire que ce n’est pas une vie, des cheveux comme les tiens…

Le jeudi matin, vers dix heures, il n’était donc pas rare que je trouvasse, encore couchée et lisant, ma sœur aux longs cheveux. Toujours pâle, absorbée, elle lisait avec un air dur, à côté d’une tasse de chocolat refroidi. À mon entrée, elle ne détournait guère plus la tête qu’aux appels : « Juliette, lève- toi ! » montant du rez-de-chaussée. Elle lisait, enroulant machinalement à son poignet l’un de ses serpents de cheveux, et laissait parfois errer vers moi, sans me voir, le regard des monomanes, ce regard qui n’a ni âge ni sexe, chargé d’une