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voyais ma mère descendre, fatiguée, du premier étage, jeter là l’attirail des peignes et des brosses : « Je n’en peux plus… J’ai mal à ma jambe gauche… Je viens de peigner Juliette. »

Noirs, mêlés de fils roux, mollement ondés, les cheveux de Juliette, défaits, la couvraient exactement tout entière. Un rideau noir, à mesure que ma mère défaisait les tresses, cachait le dos ; les épaules, le visage et la jupe disparaissaient à leur tour, et l’on n’avait plus sous les yeux qu’une étrange tente conique, faite d’une soie sombre à grandes ondes parallèles, fendue un moment sur un visage asiatique, remuée par deux petites mains qui maniaient à tâtons l’étoffe de la tente.

L’abri se repliait en quatre tresses, quatre câbles aussi épais qu’un poignet robuste, brillants comme des couleuvres d’eau. Deux naissaient à la hauteur des tempes, deux autres au-dessus de la nuque, de part et d’autre d’un sillon de peau bleutée. Une sorte de diadème ridicule couronnait ensuite le jeune front, un autre gâteau de tresses chargeait