Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/116

Cette page n’a pas encore été corrigée

Chansons, mangeaille, beuverie, la noce d’Adrienne est une bien jolie noce. Cinq plats de viande, trois entremets et le nougat monté où tremble une rose en plâtre. Depuis quatre heures, le portail béant de la grange encadre la mare verte, son abri d’ormes, un pan de ciel où monte lentement le rose du soir. Adrienne Septmance, noire et changée dans son nuage de tulle, accable de sa langueur l’épaule de son mari et essuie son visage où la sueur brille. Un long paysan osseux beugle des couplets patriotiques : « Sauvons Paris ! sauvons Paris ! » et on le regarde avec crainte, car sa voix est grande et triste, et lui-même vient de loin : « Pensez ! un homme qui est de Dampierre-sous-Bouhy ! au moins trente kilomètres d’ici ! » Les hirondelles chassent et crient au-dessus du bétail qui boit. La mère de la mariée pleure inexplicablement. Julie David a taché sa robe ; les quatre Follet, en bleu, dans l’ombre grandissante, sont d’un bleu de phosphore. On n’allumera les chandelles que pour le bal… Un bonheur en