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de Julie David en mohair changeant mauve et rose. Les charrettes dansent sur la route et voici proche l’instant que j’aime le mieux…

D’où me vient ce goût violent du repas des noces campagnardes ? Quel ancêtre me légua, à travers des parents si frugaux, cette sorte de religion du lapin sauté, du gigot à l’ail, de l’œuf mollet au vin rouge, le tout servi entre des murs de grange nappés de draps écrus où la rose rouge de juin, épinglée, resplendit ? Je n’ai que treize ans, et le menu familier de ces repas de quatre heures ne m’effraye pas. Des compotiers de verre, emplis de sucre en morceaux, jalonnent la table : chacun sait qu’ils sont là pour qu’on suce, entre les plats, le sucre trempé dans du vin, qui délie la langue et renouvelle l’appétit. Bouilloux et Labbé, curiosités gargantuesques, font assaut de gueule, chez les Septmance comme partout où l’on se marie. Labbé boit le vin blanc dans un seau à traire les vaches, Bouilloux se voit apporter un gigot entier dont il ne cède rien à personne, que l’os dépouillé.