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garde l’amour, l’amour éloigné mais toujours présent.

Nous entrâmes dans la grande serre carrée toute remplie de plantes et de fleurs des tropiques. J’éprouvais un bien-être infini à respirer cette atmosphère tiède et embaumée. Nous nous assîmes vis-à-vis du bassin limpide d’où surgissait, telle qu’une naïade, une statue de marbre blanc ; ses pieds étaient caressés par les nymphéas en fleurs flottant à la surface de l’eau, tandis que sa tête se déployait à l’abri des bananiers aux larges feuilles et des magnolias fleuris.

— Que c’est beau, disait mon fils, ravi de cet aspect des plantes inconnues tout nouveau pour lui. Que cela sent bon ! je dormirais bien sur cette mousse chaude comme dans mon lit, ajouta-t-il, en s’étendant au bord du bassin ; mais j’ai faim et j’ai donné tous mes gâteaux aux animaux.

Albert alla parler à l’homme qui nous avait ouvert la porte de la serre, et je l’entendis qui lui disait :

— Prenez ma voiture, vous irez plus vite.

Il revint s’asseoir auprès de moi, tandis que mon fils étendu sur l’herbe, d’abord silencieux et en repos, finit par s’endormir.

— N’êtes-vous pas fatigué, dis-je à Albert, dont la pâleur avait reparu.

— Question maternelle ou fraternelle, répliqua-t-il d’un ton railleur, soyez donc un peu moins bonne et un peu plus tendre, marquise.

— La bonté et la tendresse ne s’excluent pas, lui dis-je, voyez plutôt dans l’amour d’une mère.