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suis tombé après longue et consciencieuse étude de l’homme et de la société, erreur qui remonte déjà à cinq ans d’ici et dont personne encore ne songe à me disputer la dangereuse priorité.

Dans l’intérêt de la justice, veuillez m’accorder cela au moins. Faites-moi la faveur de me croire aussi perspicace en philosophie que l’Assemblée nationale et ses pareils… et que Napoléon lui-même. Enormous !!! — Quant au titre d’inventeur, je n’y tiens pas davantage qu’à celui de chef d’école. Les oiseuses discussions de priorité me paraissent toutes bien enterrées sous ce vers si profondément spirituel d’Alfred de Musset ;

" C’est imiter quelqu’un que de planter des choux. "

Vous savez bien, mon cher Talandier, que l’esprit humain gravite, depuis les jours d’Éden, dans le cercle des questions que chaque jour ramènent ses besoins renaissants. Vous savez bien que, dans la lutte engagée entre la Nature et l’Homme, — lutte qui se prolongera jusqu’au dernier des derniers de nos petits neveux, — vous savez bien que, dans cette lutte, les formes seules changent selon les temps et les événements. Quand la Résistance universelle se transforme, il faut bien, n’est-ce pas ? que la Puissance humaine s’harmonise sur elle ? — Je parle à un homme de science je ne fais qu’indiquer mes idées. —

D’où résulte que, quant au fond, la préoccupation qui m’obsède est bien la même que celle qui allumait la fièvre dans les artères d’Amos, d’Ezéchiel, de Cassandre et de Cazotte ; — que celle qui agite P. Leroux est bien celle qui travaillait les âmes de Pythagore et d’Hippocrate[1] — de même encore que la théorie du libre échange de Proudhon est renouvelée de la solidarité de Platon. — Mais les conclusions que Pierre Leroux, Proudhon et moi nous tirons de ces idées, immanentes et permanentes dans l’Humanité, ne pouvaient nous être inspirées que par le milieu actuel. Là est toute la question des révélations successives, toute l’histoire de l’évolution des idées-mères. Ainsi paraît l’avoir compris P. Leroux dans son admirable Lettre aux États de Jersey ; ainsi me semble-t-il l’avoir résumé dans son épigraphe que je ne puis citer, n’ayant malheureusement pas son livre en ma possession.

  1. La définition la plus heureuse du Circulus me semble donnée par Hippocrate : "La vie est un cercle dans lequel on ne peut trouver ni commencement ni fin, car dans un cercle, tous les points de la circonférence sont commencement et fin."