Page:Coeurderoy - 3 lettres au journal L'Homme.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les Romains et enterrée dans ses forêts sacrées vit bientôt le poids d’une seconde conquête tomber sur son cadavre et l’enfoncer plus avant dans le sol paternel. La civilisation romaine, un temps triomphante, ne profita de sa victoire sur le Druidisme que pour laisser dans les Gaules des germes qui devaient éclore plus tard et fut bientôt écrasée aussi par la Barbarie. Puis l’ordre règna de nouveau, et quel ordre !… Les historiens aristocrates appellent cela les 14 siècles de la glorieuse Monarchie française !… Nous savons de quelle sueur, de quel sang, de quelles larmes est pétrie cette gloire… Mais je n’ai pas l’intention de refaire l’histoire ici. Passons.

Les historiens modernes qui, dans l’étude des développements politiques et sociaux du monde, ont tenu compte de l’esprit même qui caractérisait les différents peuples dont le mélange compose aujourd’hui la nation française, ont appelé le mouvement émancipateur des dernières siècles le mouvement Gallo-Romain. Cela est vrai et faux en même temps. Vrai, en ce sens que ces deux mouvements ont été souvent confondus ; faux, en ce qu’ils ont toujours été divers d’origine et de tendance, comme l’esprit même des différents peuples, et qu’ils se sont séparés en fait aussitôt que le triomphe de l’un d’eux a brisé l’alliance nouée par l’oppression commune.

Le mouvement romain, caractérisé par l’application aux libertés politique et municipale, le mouvement bourgeois par excellence, a fait sa révolution et a abandonné le gaulois après la victoire gagnée en commun.

Le mouvement gaulois, caractérisé par l’aspiration à l’égalité politique et sociale, le mouvement unitaire, religieux, politique et économique tout à la fois, le mouvement dirigé contre les Institutes et les Commentaires de César, aussi bien que contre les châteaux et les coffres-forts, le mouvement cher aux travailleurs, le mouvement cher au peuple enfin, social et national par excellence, ce mouvement persiste et poursuit à travers victoires et défaites la conquête de l’égalité, but suprême, fin dernière du développement individuel et social. Maintes fois le champ a été labouré et ensemencé ; mais toujours des orages ont détruit la moisson avant sa maturité. Amis téméraires qui appelez l’invasion, ne comprenez-vous donc pas que c’est appeler l’inondation sur la vallée fertile