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cratie que peu originale par elle-même, l’Assemblée Nationale et ses pareils nous ayant dès longtemps habitués à l’appel aux Russes ? uniquement, selon moi, à un faux jugement historique en vertu duquel on a accepté l’invasion du monde Romain par les Barbares comme une chose bonne, heureuse, providentielle, nécessaire au triomphe du christianisme, et que nous devons bénir, comme nous bénirions les peuples qui feraient aujourd’hui triompher dans le monde le Socialisme et la République universelle.

Ce jugement n’est pas nouveau, non plus que l’analogie établie entre la venue du Socialisme dans le monde moderne, et la venue du Christianisme dans le monde romain. Mais, tandis que l’analogie est vraie, le jugement est faux.

Oui : comme dans le Bas-Empire, les Césars et le Christianisme se disputaient le monde, les Césars et le Socialisme se disputent le monde aujourd’hui. Mais il n’est pas vrai que le triomphe des Barbares ait été le triomphe du Christianisme. Il n’a été que le triomphe de la féodalité qui, certes, n’était ni dans l’Évangile, ni dans les prédications égalitaires, ni dans l’organisation démocratique de l’église primitive.

De ce que les prélats chrétiens firent avec les rois Barbares une alliance impie et vénale pour partager la domination avec eux, conclure que le Christianisme a triomphé avec et par l’invasion, c’est se payer de mots, ou prendre pour la réalisation des promesses du Christ ce long et sanglant avortement qui, au lieu d’un monde de liberté et d’égalité, a produit la féodalité à deux têtes (Pape et Empereur), le monstre bucéphale du moyen-âge. Ceux-là donc dépensent mal leur bravoure qui s’écrient : viennent les Cosaques ! périsse le monde civilisé ! et triomphent avec les peuples nouveaux les doctrines nouvelles ! Dieu garde le Socialisme d’un pareil triomphe, et nos amis de faux jugements sur le passé et de fausses espérances pour l’avenir !

Rétablissons les faits s’il est possible. La Gaule a été conquise deux fois ; la première fois par les Romains, la deuxième fois par les Barbares. Ces deux conquêtes ont été aussi complètes que possible. Romains et Francs se sont assimilé la Gaule à ce point qu’il n’est possible aujourd’hui que de reconnaître l’esprit des différents peuples, leurs traditions, leurs tendances, mais non les peuples, eux-mêmes. La civilisation propre aux Gaulois, égorgée par