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Aux citoyens associés pour la direction du journal lHomme et
l’exploitation du Peuple.


À la lettre précédente il n’a pas été répondu, il ne sera jamais répondu, — j’entends sérieusement. — Les démagogues ont en horreur la Vérité et la Lumière ; ils aiment les mystères de nuit et les ruses chroniques. Ce sont les plus maladroits des politiques. Ils passent leur existence à battre le quart à la porte de l’hôtel du Gouvernement, sans jamais oser entrer ni pouvoir se maintenir. Cromwells transis !

Voyons, citoyens Révolutionnaires, dites une bonne fois que vous voulez courber la nation sous un régime de salutaire terreur, de censure éclairée, de culte grotesque et de pure morale lacédémonienne. Ne parlez plus de liberté, surtout de celle de la presse. Et alors on saura à quoi s’en tenir sur votre compte, on apprendra que vous valez encore moins que les gouvernements existants, et tout le monde rira, comme moi, de vos prétentions à conduire les masses.

Donc, tribuns célèbres, vous persistez à dire que le peuple est mineur ; qu’il faut que vous lui mâchiez sa nourriture intellectuelle ; qu’il y a des idées dangereuses pour son esprit encore faible, et que les miennes sont de ce nombre. Donc, citoyens très illustrres, vous ne voulez pas que je bénéficie de l’immense publicité de votre journal ; vous trouvez que je suis trop petit pour que vous vous abaissiez jusqu’à moi, et me tiriez de mon obscurité. Donc, après m’avoir provoqué gratuitement, sans habileté, sans savoir-vivre, à une discussion organique, vous reculez devant l’insertion de mes lettres et vous ne daignez seulement pas dire pourquoi.

À la bonne heure ! mes maîtres ; voilà qui est vraiment grand, superbe, seigneurial, royal, impérial, pyramidal, colossal de dédain et de fierté ! En vérité, Louis XIV, Nicolas, Loyola, Soulouque et leurs pareils, les plus forts enfin, ne sont que polissons comparés à vous. Il faut convenir que vous êtes très habiles ! à votre éloquence silencieuse, on vous prendrait presque pour des représentants de la droite, ou des faiseurs de coups d’État, ou des proscripteurs en grand, ou encore des censeurs du tzar de toutes les Russies. Au fait, à la possibilité d’exécution près, dites-moi, je vous prie, où est la différence ?