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de l’hérédité, de sorte que la nation est ainsi entraînée presque fatalement vers le crime et l’enfer. Tant il est vrai que, de la richesse à l’immoralité, il n’y a qu’un pas !

Or comment voulez-vous qu’une âme dépravée soit accessible aux saintes vérités de la religion et du salut ? La foi est un don essentiellement gratuit ; mais Dieu ne l’accorde pas à une âme qui n’est pas disposée à le recevoir. De même, comme à dit Notre Seigneur, qu’on ne met pas du vin nouveau dans des outres vieillies, mais dans des outres neuves et bien propres, ainsi la foi n’entre pas dans une âme, si elle n’y rencontre au moins le repentir sincère des fautes passées et le ferme propos de ne plus pécher à l’avenir. Or, une foule immense de gens ici, même parmi le menu peuple, à plus forte raison parmi les grands et les riches, sont tyrannisés par des habitudes invétérées, trop bien secondées et favorisées, hélas ! par les commodités de l’époque actuelle. Leur esprit souvent admet la raison, la droiture, l’honnêteté, en un mot l’excellence indiscutable de l’enseignement catholique ; mais leur cœur, lui, enchaîné à son boulet d’esclavage, ne se sent pas capable de suivre le dictamen de l’esprit. Ainsi, mille fois plus à plaindre encore que le jeune homme de l’Évangile, qui ne put se résoudre à suivre Jésus, parce qu’il possédait de grands biens, ces pauvres Japonais s’éloignent, parce qu’ils n’osent pas sortir de leur péché. Or, je le demande, qui pourrait s’imaginer l’immense tristesse de Jésus-Hostie, en présence de ces âmes insensibles qui refusent de porter son joug, pourtant si suave et son fardeau pourtant si léger ?