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PROPOS JAPONAIS

même à les regarder comme des moyens indispensables, non seulement pour faire de l’argent, mais même pour vivre sans trop de dettes.

Quant à l’immoralité, elle est la plaie la plus hideuse ; et l’on peut dire qu’elle se pratique sous toutes ses formes… Dès lors, on s’explique l’hésitation et l’indolence des Japonais lorsqu’on leur parle de conversion au catholicisme. Ils comprennent et ils admettent volontiers que notre sainte religion est le plus sûr, l’unique moyen d’amender la vie de l’homme et de le sauver. Cependant, ils ne se sentent pas le courage de renoncer à leurs habitudes : la religion qu’on leur met devant les yeux paraît leur imposer de trop grands sacrifices ; ils n’osent avancer, de peur de gêner leur conscience par des devoirs à remplir.

Quelquefois néanmoins, ils se déclarent prêts à se faire chrétiens. Quelques-uns demandent à recevoir le baptême le plus vite possible, sans étudier. D’autres, au contraire, se mettent avec ardeur à apprendre le catéchisme ; mais ce grand zèle se refroidit bientôt. Après quelque temps, leur goût est moins vif, leur courage faiblit. Ils donnent mille prétextes pour excuser leur inconstance, qu’ils ne veulent jamais avouer, toujours par fierté. Enfin lorsque leur position leur paraît intenable, ils s’esquivent discrètement, ajournant à plus tard le moment de se convertir ; ce qui équivaut naturellement, dans la plupart des cas, à un abandon définitif et total.

La société japonaise offre donc par elle-même de grands obstacles à la rapide diffusion du saint Évangile.