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PROPOS JAPONAIS

lard, devant la cage de l’ours. L’orateur s’adresse à la bête ; lui annonce qu’on va l’immoler et se répand en excuses d’avoir à lui donner la mort. L’heure venue, on conduit l’ours au lieu du sacrifice, où le coup de mort est donné, en présence de tous, par le plus habile tireur de l’endroit. On dépouille aussitôt la victime de sa fourrure, et on organise un nouveau festin pour consommer la viande de l’ours. La tête seulement est conservée ; on la porte ensuite respectueusement dans la forêt, sur un tas d’autres crânes, en offrande au dieu qui est censé y habiter.

Ce court aperçu topographique, historique et ethnologique de l’île Saghalien, suffira, je crois, à en donner une idée générale. Telle fut Saghalien : les anciens explorateurs se la figuraient comme « l’île de l’or et de l’argent » ; les Russes en ont fait l’île du crime ; mais de tout temps, les indigènes l’ont reconnue comme la terre de leurs superstitions.

Aujourd’hui les Japonais en possèdent une moitié de droit et l’autre de fait ; de sorte que, pratiquement, à l’heure actuelle, ils sont maîtres de l’île entière. Dernièrement, ils ont construit d’immenses casernes à Alexandrowsk, pour affirmer et maintenir dans le nord de l’île le fait de leur prise de possession.

Il est évident que les Japonais vont, au moins immédiatement, tirer grand profit de l’acquisition de cette île. Déjà, dans la partie méridionale, tout est transformé : les colons y ont construit des villes et des villages et établi beaucoup d’industries. L’exploitation des forêts surtout se fait sur une grande échelle. On y travaille