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PROPOS JAPONAIS

chie lui avait offert sinon plus de sécurité, du moins plus de liberté : chassés par un daimyo ombrageux, les missionnaires se réfugiaient chez un autre moins intolérant. Mais l’autorité suprême étant exercée par un seul despote, il allait suffire d’un seul soupçon ou d’un caprice de ce dernier pour compromettre leur existence personnelle et celle de toute la chrétienté japonaise.

Nobunaga cependant fut toujours favorable au christianisme. Il s’en disait souvent l’admirateur, sans toutefois, à cause de ses passions, qui le rendaient très dissolu, se décider à l’embrasser. D’autre part, il était l’ennemi déclaré des bonzes, dont il s’appliquait systématiquement à ruiner la puissance et dont il fit même des massacres à plusieurs reprises.

Moins constant fut Hideyoshi. D’abord, comme son prédécesseur, favorable au christianisme et ennemi des bonzes, il finit par croire aux perfides instigations de ceux-ci, qui ne cessaient de lui rappeler le danger national, encouru par l’influence des missionnaires étrangers. De là un édit de bannissement, qui, cependant, n’est exécuté que dix années plus tard, en 1597, avec, comme sanglant prélude, le crucifiement des vingt-six martyrs de Nagasaki.

Mais ce fut sous le règne de Yeyasu qu’allait éclater la plus terrible des persécutions. Arrivé au pouvoir comme tuteur du fils de Hideyoshi, ce prince se préoccupa d’abord d’affermir son autorité et laissa les chrétiens se multiplier de nouveau. Puis, prêtant l’oreille aux intrigues haineuses de protestants hollandais et anglais, qui représentaient au prince les missionnaires catholiques comme des émissaires du roi d’Espagne, chargés de soumettre en secret le Japon au roi espagnol,