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PROPOS JAPONAIS

geta, pour le voyage du mort vers le paradis. Enfin, après la sortie du cercueil, les gens de la maison ont balayé toutes les chambres, prétendant, par là, enlever les souillures que la mort est censée avoir apportées en venant frapper un des membres de la famille.

La procession, quittant la maison de défunt, s’en va directement au temple, pour une cérémonie plus solennelle. Au temple, on installe le cercueil, on l’entoure des fleurs qu’on a apportées et place devant lui le brûle-parfums. Puis les bonzes, au son d’instruments funèbres, font entendre une psalmodie, dont les phrases ont un style suranné, absolument inaccessible à l’intelligence du public ; bien plus, eux-mêmes souvent n’y comprennent rien du tout. Ces instruments sont de deux sortes : le tebyôski et le mokugyô ; le premier est une espèce de cymbales ; l’autre a la forme d’une petite boîte oblongue que l’on frappe à coups réguliers en même temps que les cymbales. Le son de ces instruments est très lugubre et très désagréable. Mais les assistants semblent trouver ce son très convenable pour une telle cérémonie. Durant cette psalmodie, ils viennent à tour de rôle devant le cercueil, s’inclinent respectueusement en joignant les mains, puis jettent une pincée de bois odorant dans le brûle-parfums.

Par ces actes, en croit rendre au mort un culte divin. Le défunt, désormais, est passé au rang des dieux. Il a pu être dans sa vie un assassin, un voleur, un débauché, peu importe ! D’après eux, il n’est pas moins censé aller dans le gokuraku, le paradis. Un missionnaire demandait un jour à un bonze pourquoi, aux funérailles de qui que ce fût, il affirmait, avec un semblant de conviction, que le mort était allé dans le paradis jouir du