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LE CULTE DES MORTS

enfin, ils tiennent, à moitié ouvert, un magnifique éventail : c’est pour recevoir les présents, en retour de leur soi-disant dévouement. Quant aux parents et aux amis, ils sont revêtus de leurs plus beaux habits, que l’on appelle les montsuki gimono, parce qu’ils portent les armes de la famille. Chaque famille, en effet, a des armes qu’elle tient de ses ancêtres ; ce sont : soit une fleur, soit un triangle, soit un rectangle ou un autre signe de ce genre ; c’est ce qui leur sert d’emblème héraldique, de blason ancestral. Les Japonais ne portent ces habits que dans les plus grandes circonstances, parmi lesquelles ils comptent les funérailles de quelques parents ou amis.

Le cercueil est une boîte carrée, dans laquelle le corps est accroupi et replié, comme un enfant dans le sein de sa mère. Quelques-uns disent que cette coutume rappelle la posture des dévots du bouddhisme dans leurs méditations. Le cercueil, porté sur un brancard, est orné de décorations sculptées, dont l’art est fin et délicat, mais invariablement le même pour chaque cercueil. On dirait que tout est fixé à l’avance, jusqu’à la moindre petite pièce d’ornementation.

Avant le départ en procession, il y a eu dans la maison du défunt une première cérémonie qu’on pourrait, en empruntant un terme catholique, appeler « la levée du corps. » D’abord on a placé le cercueil de façon à ce que le corps eût la tête du côté du nord ; devant le corps on a brûlé des parfums, pendant que les bonzes ont récité les passages des livres sacrés du bouddhisme. Ensuite, on a revêtu le mort d’habits blancs, mis entre ses mains une espèce de chapelet, appelé juzu, et l’on a placé à ses côtés, dans le cercueil, des objets dont il s’est servi durant sa vie, ainsi que des pièces de monnaie et des