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DANS UNE BONZERIE

nous laisser apercevoir que le moins possible. Mais ce fut en vain. Tous les assistants nous ont vus entrer, tous nous ont vus nous asseoir à la japonaise sur les nattes ; et longtemps encore après, certains ne cessent plus de nous observer. Assurément nous avons causé à ces gens là de très graves distractions. D’ailleurs, c’était pour eux inévitable : car à la manière dont ils étaient assis, on pouvait se demander de quel côté était le haut ou le fond de l’édifice.

Or, à ce moment là, la prière des bonzes battait son plein, et cela au sens propre de l’expression. De fait, on priait au son du tambour, dont le maillet marquait à chaque temps les syllabes proférées par les bonzes. Ces derniers étaient assis et rangés sur deux lignes parallèles, de chaque côté d’une espèce de petite tribune, sur laquelle trônait celui qui paraissait être l’officiant. Ils étaient revêtus d’habits magnifiques, tissés de soie très fine et très richement colorée ; ceux de l’officiant surtout étaient d’un éclat sans égal. Tous portaient aussi en écharpe une très large étole appelée kesa.

Au bout des deux rangées de bonzes se trouvait un autel sur laquelle il y avait des idoles, appelées en japonais hotoke, idoles entourées de fleurs, de chandeliers allumés, de petits sacs de riz et de petits gâteaux. Cet autel paraissait improvisé pour la fête. En arrière, c’est-à-dire au fond de l’édifice, se trouvaient deux autres autels placés l’un devant l’autre, fixes ceux-là ; l’un plus petit, portant aussi des chandeliers et des fleurs, et orné, au bas, d’horribles figures de dragons ; l’autre était adossé au mur : c’était ce qu’on appellerait chez nous le maître-autel. Celui-là était surtout garni d’idoles toutes aussi grotesques les unes que les autres. En outre,