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dominante au Japon en cette matière : « Une religion est bonne pour la sécurité intérieure de la société humaine et pour préserver le peuple de la décadence morale ; et toute religion suffit à ce but. Or, comme il n’y a pas de grandes différences entre les diverses sortes de religions, à quoi bon importer une religion étrangère, qui très souvent n’est pas conforme aux usages du peuple et reste incompatible avec la mentalité et l’aspiration nationale du Japon ? »

C’est ainsi que de l’indifférentisme on est passé à l’exclusivisme. On a raisonné ainsi : Si l’on admet que toutes les religions sont indifféremment bonnes, il n’y a pas lieu de propager l’une plutôt que l’autre. Alors autant vaut que chaque nation garde celle qu’elle a reçue de ses ancêtres. Par là on s’explique un peu pourquoi le gouvernement en est venu à ressusciter le vieux shintoïsme et à l’imposer en quelque sorte à la nation.

La classe dirigeante, au Japon, professe donc en définitive un profond mépris de toute religion et n’y voit d’autre utilité que « de conserver la paix dans la société, en maintenant les ignorants sous le joug », comme a dit un jour M. Fukuzawa, l’homme qui, au dire de M. Ludovic Naudeau, a formé plus de la moitié des fonctionnaires actuels au Japon. Quant à ces « ignorants », comme les appelle dédaigneusement la haute classe, quant à la masse du peuple, quelle est sa croyance et quelle est sa situation morale ? Ce sont les deux autres questions qu’il faut encore étudier, si l’on veut avoir une idée tant soit peu exacte de la mentalité religieuse de la nation tout entière.