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L’éducation de la classe dirigeante a été élaborée par le confucianisme et parachevée par la philosophie matérialiste de l’étranger. Depuis le xviie siècle, l’aristocratie japonaise s’est instruite à l’école de Confucius. Ce chinois, devenu depuis si célèbre, avait été avant tout un grand politicien. Aussi, sa doctrine étant moins une religion qu’un code de morale et un cours de politique, on comprend qu’elle devait attirer cette classe d’élite qui ambitionnait les hautes charges de l’État. Ainsi imbue d’une philosophie toute pratique, tout utilitariste, affranchie de toute croyance à l’existence d’un dieu quelconque, libérée de tout mysticisme, cette aristocratie ne finit par compter que des matérialistes et des hommes d’action, préparés à l’effort personnel et au raisonnement, il est vrai ; mais pour n’avoir pas, dès le commencement de leur éducation, voulu frayer avec les tenants de quelque religion, ils étaient aussi devenus enclins à mépriser et à tourner en ridicule les superstitieuses croyances du bouddhisme.

Or, après la Restauration de 1868, le Japon s’ouvrait à la philosophie matérialiste de l’étranger. Bien plus, après la guerre franco-allemande de 1870, des centaines de jeunes gens, issus de cette aristocratie confucianiste, se rendaient en Allemagne pour s’assimiler les connaissances européennes. Par là s’explique l’effet profond que produisirent sur eux les doctrines de Kant, de Hegel, de Schopenhauer, de Nietzsche et autres matérialistes ou rationalistes de l’époque. Ils rentrèrent donc au Japon, non seulement exaltés du bagage de leur science, mais encore professant la plus fière indépendance en matière de religion. Et même, non contents d’afficher cette indépendance, ils allèrent jusqu’à la réclamer énergique-