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l’emploi des contingents américains

et, au moment de partir pour le front, je prie M. Jeanneney de retourner à l’Élysée le lendemain et de remettre une seconde fois à M. Poincaré le projet de document où il était tenu compte de ses observations.

Le lendemain, M. Jeanneney retourne donc à l’Élysée, remplit sa mission, et, le soir même, M. Poincaré lui adresse une fort longue lettre où il déclare en substance : « Je maintiens mon point de vue. Il ne faut pas écrire cette lettre. Il n’est pas impossible qu’elle provoque la démission du Maréchal.

« Si, contrairement à mon avis, M. Clemenceau croit devoir envoyer cette lettre, il faut l’atténuer encore. Elle est encore trop dure pour les Américains, encore trop dure pour Foch. M. Clemenceau dit notamment au Maréchal : « La Patrie commande que vous commandiez. » Si l’on me disait cela à moi, je démissionnerais.

« Et, d’ailleurs, M. Clemenceau a-t-il bien a s’occuper de ce que fait le maréchal Foch comme commandant en chef de l’armée américaine ? En cette qualité, le maréchal Foch ne relève-t-il pas plutôt du gouvernement américain ? »

Le voilà donc connu ce secret plein d’horreur !

Le général Foch m’avait demandé de le faire nommer commandant en chef des armées alliées, et, ce titre obtenu, je découvre qu’il comprend le commandement unique comme un conseil d’administration à trois, où l’on échange des raisonnements. Je voudrais bien savoir à quel moment le commandement unique m’avait enlevé une part de mon autorité sur le commandement militaire français. Il y avait des alliés, sans doute, qui