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le chemin des dames

épuisé de fatigue et dont la tête tombe sur sa carte, comme je l’ai vu à des heures terribles, c’est à cet homme que nous viendrions demander des explications pour savoir si, à tel ou tel jour, il a fait telle ou telle chose ?

« Chassez-moi de la tribune, si c’est cela que vous demandez, car je ne le ferai pas.

« …Je disais que l’armée est au-dessus de ce que nous pouvions attendre d’elle, et quand je dis « l’armée », j’entends les hommes de tous rangs et de tous grades qui sont au feu. Là est l’un des éléments de notre confiance, l’élément principal. En effet, la foi dans la cause est une admirable chose, mais cela ne donne pas la victoire ; il faut que les hommes meurent pour leur foi pour que la victoire soit assurée et les nôtres sont occupés à mourir.

« Nous avons une armée faite de nos enfants, de nos frères, de tous les nôtres. Que pourrions-nous avoir à dire contre elle ?

« Les chefs aussi sont sortis d’entre nous, ce sont nos parents, eux aussi, ce sont de bons soldats, eux aussi ; ils reviennent couverts de blessures, quand ils ne restent pas sur le champ de bataille. Qu’avez-vous à dire contre eux ?

« …Nous avons des alliés qui se sont engagés avec nous à pousser la guerre jusqu’au bout, jusqu’au succès que nous tenons, que nous sommes à la veille de tenir si nous avons l’obstination nécessaire. Je sais bien que la majorité de cette Chambre aura l’obstination qu’il faut. Mais j’aurais voulu que ce fût l’unanimité.

« J’affirme, et il faut que ce soit ma dernière parole, que la victoire dépend de nous… à condition que les pouvoirs civils s’élèvent à la hau-